[...] ce qui est fabuleux, encore une fois, c'est combien le japon est un lieu destressant pour les europeens (exception faite, peut-etre de ceux qui choisissent de vivre dans le metro tokyoite trois heures par jour) et stressant pour les japonais. meme lieu, mais contexte psychologique different. pour les uns c'est bon pour les autres pas bon. [...]
Je vais essayer d'illustrer mon propos à partir de cette citation du billet de Juliette :

La société japonaise est très structurée, il en découle un confort important :
  • sécurité,
  • organisation,
  • sentiment d'être cocooné, assisté même.
En revanche, elle impose (en retour ?) un grand nombre de contraintes :
  • faire passer le groupe avant l'individu (sacrifices personnels),
  • suivre des protocoles de communication inter-personnelle élaborés :
    • formulations honorifiques pour parler à un supérieur
    • vocabulaire et tournures de modestie pour parler de soi et de ses proches
    • organisation sociale très hiérarchisée
  • respecter des règles de vie en société plus contraignantes de manière générale
Ce ne sont là que quelques exemples (il y en a certainement de plus pertinents d'ailleurs, si vous voulez m'aider à compléter avec vos propres exemples dans les commentaires...) des avantages et inconvénients liés à la vie en société au Japon.

Ce qui se passe lorsque, en tant qu'étranger, on vit dans cette société, c'est qu'on se rend vite compte que personne n'attend de vous de respecter les contraintes de la société japonaise. Vous êtes quelqu'un de l'extérieur (GAI-JIN), les règles ne s'appliquent pas à vous. Mais les avantages restent puisqu'ils ne dépendent pas d'individus mais du groupe dans sa globalité et s'appliquent donc indifféremment à tous. On a donc rapidement cette impression d'absence de stress qu'évoque Juliette

Attention, je ne suis pas entrain de dire qu'il faut vivre au Japon sans chercher à vivre en harmonie (que vous appelerez aux choix intégration, respect de l'autre, acclimatation ou encore tatamisation). L'idée que l'on puisse chercher à "profiter" de son statut d'étranger pour ne pas respecter les règles de vie locales est idiote, et les étrangers au Japon qui entrent dans ce schéma n'ont rien compris.

D'abord, parce que le Japon étant ouvert aux étrangers depuis finalement peu de temps (un bon siècle), je considère que nous avons encore à "faire nos preuves", c'est-à-dire montrer qu'un non-Japonais peut vivre au Japon sans pour autant rompre l'équilibre de la société qui l'accueille. Il y a encore trop de Japonais qui soutiendront l'inverse, avec leur cortège de conceptions nationalistes idiotes (comme quoi, il peut y avoir des idiots de part et d'autre). Raison de plus pour montrer l'exemple et ne pas avoir un comportement qui fera dire à ceux-là : "vous voyez, j'avais raison, les étrangers ne peuvent pas vivre dans la société japonaise".

Ensuite, quand je dis qu'un étranger n'a pas à subir les inconvénients de la société japonaise, je veux dire qu'on n'attend pas de lui qu'il se soumette aux règles de la société. C'est de cette liberté-là dont je parle, la liberté créée par l'absence d'une attente de la part des autres. On n'attend pas d'un étranger qu'il se soumette aux règles de la société japonaise, mais les japonais apprécieront qu'il le fasse. La nuance (de taille) est dans le fait de se conformer à des règles sans avoir l'obligation de le faire. Sans compter que cela vous apporte des satisfactions et découvertes inaccessibles depuis le niveau 0 d'intégration...

Cette situation me semble être propre au Japon, probablement du fait de son ouverture récente aux étrangers. En France par exemple (au hasard), le fait que la France soit un melting pot depuis toujours fait que le processus d'intégration ne fonctionne pas pareil. En fait, il me semble qu'en France on attendra d'un étranger qu'il s'intègre rapidement (et respecte donc les règles de la société), là où au Japon il n'existe pas cette attente envers les étrangers. Les choses changent vite tout de même, et je ne suis pas sûr que cet état de fait que je décris soit encore vrai dans 10 ans. C'est un peu une question de générations certainement : la disparition de la génération de Japonais ayant connu la deuxième guerre mondiale va accélerer des changements importants de la société japonaise, et il serait logique qu'à ce moment la donne change pour les étrangers. C'est déjà dans une certaine mesure le cas.

Je suis conscient que cette vision des choses s'applique surtout aux étrangers occidentaux car le racisme anti-asiatique, anti-noir et anti-arabe est très fort au Japon et cela rend à mon sens caduc fait relativiser tout ce que j'ai dit au-dessus. Mais je ferai un autre billet un autre jour sur le racisme au Japon... Je vous parlerai des annonces immobilières avec la mention "pas de piano, pas de chiens, pas d'étrangers" que j'ai vues de mes propres yeux et d'autres choses encore. Mais il ne faut pas généraliser et en déduire que tous les japonais son racistes, ce serait bête, et faux.

Bien sûr, comme pour à peu près tout ce qui concerne le Japon, pour chaque chose que je viens de dire ici, vous pourrez me dire l'inverse et avoir raison : le Japon est un pays de paradoxes, et je trouve que ces paradoxes y cohabitent de manière très harmonieuse...

Et vous ? Comment voyez-vous les choses ? Comment les vivez-vous si vous êtes vous-même un étranger habitant ou ayant habité au Japon ? Pour reprendre mon titre, le Japon est-il un paradis pour les étrangers ? Je suis curieux de vos expériences et de vos ressentis sur le sujet...

En me relisant, je me suit fait la remarque que beaucoup de choses peuvent être apprises en changeant ainsi simplement de point de vue... Je voudrais que chaque personne qui vote FN en France puisse se retrouver en situation d'être soi-même étranger dans un autre pays. On a tous beaucoup à apprendre de cette expérience.

Update : avec une autre approche, tout aussi vraie, un billet d'un français à Tokyo (en anglais) sur la sensation de ne pas être chez soi...